Depuis quelques jours, j’ai officiellement entamé ma troisième (et normalement avant-dernière) année de doctorat. Comme souvent, les périodes anniversaire me donnent envie de faire un bilan des mois écoulés et du travail réalisé. J’avais déjà fait le point après mes six premiers mois de thèse, et à l’issue de mon CSI l’an dernier. Au cours de la deuxième année, j’ai suffisamment avancé dans mes recherches pour que pas mal de choses se stabilisent. Le corpus est enfin clôturé et en cours d’analyse1, j’ai achevé l’état de l’art sur de nombreux points et j’ai sérieusement entamé la rédaction sans même m’en rendre compte. Ma thèse a un plan détaillé qui tient la route, et certes toujours pas de titre définitif, mais j’ai le sentiment d’avoir passé le plus difficile et d’être maintenant sur un chemin qui se déroule paisiblement. Alors quel meilleur moment que maintenant pour jeter un regard en arrière sur les embûches et les réussites passées ?
Depuis le début de ma thèse, j’ai tenu (de manière plus ou moins régulière, voire carrément irrégulière) un journal qui me permettait de consigner mes avancées, mes doutes, mes satisfactions et parfois mes regrets. Je trouve l’exercice particulièrement utile, pour retenir l’essentiel d’une journée, d’une semaine, éventuellement d’un mois ; mais aussi pour pouvoir revenir en arrière, et contempler le travail réalisé. Pour ce nouveau bilan, j’ai donc décidé de vous partager quelques entrées marquantes de mon journal de thèse, de septembre 2022 à septembre 2024. Selon les entrées, je les reproduis ici telles que je les ai écrites, ou j’y apporte de légères modifications pour rendre leur contexte plus compréhensible à un regard extérieur.
23 septembre 2022. Dépouillement du programme du Off 2021, quatorze spectacles sélectionnés. Prise de notes sur les axes de recherche possible. Questionnement sur la manière de décrire la méthodologie du dépouillement.
06 octobre 2022. Vraiment commencé la lecture de certains ouvrages essentiels. Je commence à entrevoir ce que sera mon cadre théorique sur la question de l’immigration, et j’ai donc pris le temps de créer une page Notion d’état de l’art pour ranger toutes mes références au fur et à mesure selon leur sujet. Difficile de me concentrer, j’ai donc terminé en me renseignant sur l’obtention des crédits ECTS pour la formation et l’insertion professionnelle.
07 novembre 2022. Pas pris de notes depuis longtemps alors que j’ai réalisé plusieurs choses importantes, notamment ma première proposition de communication2 et mon formulaire d’inscription sur Hypothèses. Des lectures intéressantes également, qui m’apportent un cadre important d’analyse du texte, avec de nombreux outils et plusieurs inspirations pour les axes d’analyse du corpus.
17 janvier 2023. Je n’ai pas écrit ici depuis plus de deux mois (dont près d’un a été passé sans travailler ou presque à cause de mon état de santé). Depuis la dernière fois, j’ai pourtant beaucoup avancé. Ma première proposition de communication a été acceptée, ainsi que la deuxième. J’ai également formalisé ma participation en tant que chercheuse à une rencontre au sein du laboratoire, mais aussi en tant que doctorante pour l’organisation de deux évènements : après des difficultés à me lancer, notamment parce que j’étais trop fatiguée, je me sens pleinement engagée dans ces deux projets. D’autres projets se sont développés : Métathèse est maintenant un carnet de thèse officiel qui compte déjà deux articles et un troisième en finalisation, et qui a un petit collègue nommé ICTT Doc pour rassembler les activités des doctorant·es du labo.
Trop peu de nouvelles lectures ces dernières semaines, mais j’ai énormément avancé dans la constitution du corpus. Il entre dans sa seconde phase (je raconte la première dans un billet de mon carnet, Méthodologie de constitution du corpus, phase 1 : dépouiller les archives du Off).
20 septembre 2023. J’ai complètement laissé tomber ce journal, j’en avais même un peu oublié l’existence. Je ne le rouvre aujourd’hui que poussée par un temps mort, qui ne me laisse pas assez de temps pour une vraie tâche avant de partir à la fac. J’aimerais dire que c’est dommage (ça l’est), mais je doute pour autant de m’y remettre sérieusement. Les activités dont je parlais dans ma dernière entrée me paraissent déjà loin. Participer à ces différents évènements a été une immense satisfaction, mais plus grande encore est la satisfaction de constater que cette année, on pense à moi pour diverses propositions, dont une journée d’étude, le projet Migratext, ou un futur colloque sur l’historiographie des festivals. Je me sens valorisée et reconnue dans ma posture de chercheuse. J’espère que le compte-rendu de mon premier comité de suivi, qui a été quelque peu déroutant ira dans le même sens.
Je me pose beaucoup de questions sur la manière de construire mon corpus définitif, en particulier en ce qui concerne les analyses comparées. Je sens que je n’ai pas encore pleinement intégré la restructuration de mon plan de thèse qui place au centre la question de la création jeune public, les récits d’exil ne venant qu’en exemple de cette création. S’il y a des critères matériels qui participent à mon choix, notamment la possibilité de pouvoir (re)voir les spectacles en tournée ou a minima en captation, j’ai du mal à évaluer sur quels critères je dois les sélectionner, et combien en conserver pour l’analyse de la troisième partie. J’ai peur de m’engager dans le travail d’analyse sans avoir pleinement arrêté mon choix sur des critères argumentés, et donc de me retrouver avec un corpus flou, mal justifié.
17 octobre 2023. Journée très productive aujourd’hui. La mission pour la BnF m’a permis de mettre au jour des choses très intéressantes pour ma thèse, que ce soit au niveau du jeune public ou des récits d’exil. Comme je catalogue tout cela dans Tropy au fur et à mesure des boîtes dépouillées, il est urgent que je mette en place une catégorisation des spectacles pour les identifier. Mais j’hésite sur le choix des catégories : les créer à partir des oeuvres (par exemple, les adaptations), ou à partir de mon hypothèse (par exemple, la transmission) ? L’hésitation est le moteur de ma thèse ces derniers temps, mais rédiger le bilan de ma première année m’a au moins permis de mieux comprendre pourquoi j’hésite, notamment en ce qui concerne le corpus.
08 janvier 2024. Reprise en douceur après plus d’un mois d’arrêt maladie à cause d’une crise de fibromyalgie très forte, que je n’avais pas vue venir. Beaucoup d’anxiété liée à cette reprise, mais surtout générée par la persistance de l’arrêt maladie. Je craignais les conditions de la reprise, ne sachant toujours pas aujourd’hui si le temps partiel que j’effectue dans les faits sera réellement accepté, et pourra faire l’objet d’un prolongement de mon contrat. Je suis sans nouvelles de ma directrice de thèse à ce sujet. Pour autant, cette reprise est satisfaisante, et j’ai hâte de me replonger dans mes recherches.
Je me rends compte que j’ai orienté cette reprise autour d’un approfondissement de la théorie sur l’exil et l’immigration. Le développement de cette réflexion me semble toujours plus facile, plus évident, que l’analyse concrète du corpus que j’ai tendance à fuir. Si travailler sur cela n’est pas une mauvaise chose en soi, je dois tâcher de ne pas perdre de vue que toutes mes recherches doivent être orientées vers une meilleure compréhension de mon corpus d’une part, mais surtout d’autre part vers une réponse à la problématique : que dit la programmation de ces pièces au Off du théâtre jeune public ? L’étude de leurs discours sur l’exil n’est pas intéressante en soi, mais parce qu’elle vient nourrir ce questionnement. Par ailleurs, je note également aujourd’hui que j’ai pris l’habitude d’essayer d’intégrer chaque idée fondamentale dans mon plan de thèse, ce qui lui donne de plus en plus un aspect assez fouilli. Y revenir aussi régulièrement me permet cependant d’en percevoir les faiblesses et de le faire évoluer, mais il faudra que je lui consacre une session de travail approfondie pour tenter de lui donner une structure plus solide.
19 mars 2024. Les dernières semaines ont été laborieuses, je parviens tellement peu à travailler que j’ai du mal à me situer dans mon propre travail : qu’est-ce qui est à faire avant le reste, où en est ma réflexion sur l’organisation du plan, quelles parties méritent particulièrement mon attention ? Je ne fais pas le point pour l’instant, j’ai l’impression que chaque rare plage de travail pourrait être consacrée à ça tant j’oublie d’une fois sur l’autre. Alors j’avance, par petits bouts de tous les côtés, ce qui n’aide pas à avoir le sentiment d’avancer. Le déplacement de la semaine dernière pour assister à deux représentations scolaires de spectacles du corpus m’a quand même redonné un peu de rythme, que j’espère conserver pour les semaines à venir.
29 mai 2024. J’ai de nouveau abandonné ce journal, et pourtant je suis ces derniers temps dans une période plutôt productive et satisfaisante, dont il serait dommage de ne pas garder trace. Je suis rentrée pleinement dans la phase des analyses individuelles du corpus, avec déjà environ un quart des mises en scène analysées. Je me concentre dans un premier temps sur les spectacles dont j’ai déjà une bonne connaissance, et je me sens donc en terrain connu, ce qui facilite le développement de mes méthodes d’analyse. En parallèle, je boucle certains éléments théoriques, et le rythme de mes lectures ralentit donc un peu. Tenir le compte des pages écrites m’a permis de réaliser leur volume : déjà 80 pages, même si la plupart ne figureront pas sous leur forme actuelle dans le manuscrit final.
13 juin 2024. Poursuite de l’élan de productivité dans lequel je suis entrée le mois dernier, et qui me permet de bien avancer avant la pause programmée pour le Festival. Je vois concrètement les avancées, à la fois sur l’état de l’art (j’aurai achevé la rédaction de la plupart des parties avant la rentrée) et sur les analyses (un tiers des mises en scène, mais encore trop peu de textes). Il me reste beaucoup de questions, notamment méthodologiques, et j’envisage de reprendre complètement mon plan avant le prochain CSI. Par ailleurs, de nombreuses propositions d’articles et d’interventions se construisent. Je garde en tête le risque d’en faire trop, comme en première année, et je cible mieux celles qui me permettent d’avancer en même temps sur ma thèse.
30 août 2024. A la veille de la rentrée et de mon CSI et après un travail ralenti par la canicule cet été, la reprise a finalement été très productive. Ma directrice a reçu mon nouveau plan de thèse, et si elle ne m’a rien dit spécifiquement dessus il semble lui convenir. Je poursuis donc dans cette voie. Je profite du CSI pour tester le titre définitif que j’envisage pour ma thèse.
12 septembre 2024. Toujours très productive depuis la rentrée, je travaille au maximum de mes capacités chaque semaine et j’avance très bien. J’approche les 150 pages rédigées, et je ne suis pas encore dans la rédaction à proprement parler. Mais certaines parties de l’état de l’art sont achevées et les analyses avancent bien. Je suis confiante pour finir dans les temps, et soulagée que le CSI me soutienne dans le choix de repousser un peu la soutenance pour anticiper les aléas de mon état de santé. Pour l’instant, je croise les doigts pour continuer le plus longtemps possible sur ma lancée.
- j’ai d’ailleurs décidé d’une analyse comparée de l’ensemble des pièces, plutôt que d’en sélectionner quelques-unes [↩]
- l’article issu de cette communication est depuis paru dans Skén&graphie en décembre 2023 [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Charly André Guibaud (12 septembre 2024). Deux ans de journal de thèse. Métathèse. Consulté le 18 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12ajf