Il y a tout pile un an, en janvier 2023, je partais pour une semaine à Poitiers : mon premier gros déplacement dans le cadre de ma thèse, non pas pour un colloque (c’était un peu tôt pour ça), mais pour une formation recommandée par ma directrice de thèse. EnExDi (pour Encoder, Exploiter, Diffuser) est une formation intensive sur les humanités numériques dans les projets de recherche. Elle s’adresse aux jeunes chercheuses et chercheurs en doctorat ou post-doctorat en sciences humaines et sociales, qui souhaitent découvrir les méthodes et pratiques des humanités numériques pour enrichir leur travail de recherche. Un programme passionnant, mais dans lequel, pour être honnête, je n’étais pas sûre initialement de trouver ma place.
A EnExDi, qu’est-ce qu’on apprend ?
Je me suis inscrite malgré mes doutes, parce que ma directrice de thèse était très enthousiaste vis-à-vis de cette formation qu’elle connaissait bien. L’équipe a jugé que je pouvais en effet y trouver des outils utiles pour ma thèse, car mon inscription a été acceptée. J’avais débuté mon doctorat seulement quelques mois plus tôt, et j’avais peu de données sur lesquelles travailler. Quant à ce que je comptais en faire, c’était encore très flou. Mais EnExDi est une formation introductive, et en cela elle s’adaptait parfaitement à ma situation : j’ai pu découvrir et tester de nombreux outils et techniques, en commençant à imaginer la manière dont cela m’aiderait à traiter les données que j’étais en train de collecter.
Avant de revenir en détail sur les deux outils qui m’ont été les plus précieux, un mot sur les autres, que j’ai été heureuse de découvrir même s’ils ne me sont pas utiles dans mes recherches. J’ai été particulièrement impressionnée par l’HTR, la reconnaissance automatique d’écriture sur des manuscrits. Je ne travaille que sur des œuvres très contemporaines, c’est un point clé de ma motivation dans la recherche, mais cette technique qui semble presque magique m’a fascinée, et j’aimerais beaucoup en apprendre plus à l’occasion. J’ai découvert également l’encodage XML-TEI, un outil qui pourrait m’être utile un jour mais qui me semble encore d’un niveau trop technique pour moi. Sait-on jamais ! D’autres cours, que je n’ai pas suivis, portaient sur la stylométrie ou le traitement automatique du langage. Le programme est vaste et s’adapte aux besoins spécifiques de chaque personne, c’est ce qui rend la formation si pertinente.
La visualisation de données, la technique que j’ai adoré découvrir
Pour ma part, on m’a proposé d’assister en priorité aux ateliers autour de la diffusion, et plus particulièrement de la visualisation des données. Je n’avais qu’une idée floue de ce que cela recouvrait, et j’ai eu l’excellente surprise d’apprendre deux techniques particulièrement utiles pour appréhender mon corpus.
Ma première découverte, et la plus précieuse pour traiter mes données, est celle de l’analyse de réseaux. J’ai appris les bases de l’utilisation de Gephi, un logiciel qui permet de visualiser des données et de mettre en relief les réseaux qui existent entre elles. Je travaille dans le cadre de ma thèse sur un corpus de spectacles non seulement large, mais qui existe en trois versions qui affinent au fur et à mesure la sélection de ces spectacles selon un certain nombre de critères, notamment l’âge cible du public et le genre du spectacle. La visualisation de ces données grâce à Gephi peut m’aider à repérer les genres dominants dans mon corpus, ou encore les spectacles liés entre eux par une approche similaire de leur thématique. A l’heure où je m’apprête à débuter l’analyse quantitative de ce corpus, Gephi s’avère être un outil particulièrement utile.

La deuxième technique de visualisation de données que j’ai appris à utiliser est celle de la cartographie. Si j’ai adoré m’y essayer, car les résultats sont visuellement très satisfaisants, et que l’interaction avec la carte apporte une touche ludique à la recherche, je ne suis pas encore certaine que cela sera véritablement un apport pour l’analyse de mes données. Tous les spectacles que j’étudie sont passés au Festival Off d’Avignon, c’est dans ce cadre que je les étudie. La cartographie semble donc avoir un avantage évident, celui de visualiser les théâtres du Off qui reviennent le plus souvent dans mon corpus. Je peux également envisager de la mobiliser pour étudier certaines dynamiques au sein de la ville-festival qu’est Avignon pendant le mois de juillet. C’est ce que j’ai fait avec la carte ci-dessous, qui s’intéresse à mes propres déplacements en juillet 2023 dans le cadre d’un travail de terrain pour constituer mon corpus.

Un an plus tard, je ne regrette rien de mon passage à EnExDi1. Au-delà des techniques que j’utilise encore aujourd’hui, c’est une formation qui m’aura permis de voir autrement la recherche en sciences humaines et sociales, d’en découvrir des pans éloignés de mes propres travaux. La suivre si tôt dans mon parcours, alors que je manquais de données, m’a semblé sur le moment réduire mes possibilités d’en tirer avantage au maximum. Avec le recul, je me dis que cela m’a cependant permis d’envisager très vite dans la constitution de mon corpus des manières innovantes de l’analyser. En faire le bilan aujourd’hui, en me remémorant les techniques apprises, m’apporte un élan bienvenu pour entrer dans l’analyse approfondie qui va être au cœur de mes prochaines semaines de travail.
- si ce n’est sa localisation à Poitiers, ville froide et peu accueillante en plein hiver, mais la nouvelle promotion aura la chance de suivre la formation à Lyon [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Charly André Guibaud (25 janvier 2024). EnExDi : retour d’expérience sur une formation en humanités numériques. Métathèse. Consulté le 18 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/vo59